-Vous avez trop bu de vin de Collioure, mon cher monsieur Alphonse, lui dis-je. Je vous avais prévenu.
-Oui, peut-être. Mais c’est quelque chose de bien plus terrible.
Il avait la voix entrecoupée. Je le crus tout à fait ivre.
-Vous savez bien mon anneau ? poursuivit-il après un silence.
-Eh bien ! on l’a pris ?
-Non.
-En ce cas, vous l’avez ?
-Non... je... je ne puis l’ôter du doigt de cette diable de Vénus.
-Bon ! vous n’avez pas tiré assez fort.
-Si fait... Mais la Vénus... elle a serré le doigt.
Il me regardait fixement d’un air hagard, s’appuyant à l’espagnolette pour ne pas tomber.
-Quel conte ! lui dis-je. Vous avez trop enfoncé l’anneau. Demain vous l’aurez avec des tenailles. Mais prenez garde de gâter la statue.
-Non, vous dis-je. Le doigt de la Vénus est retiré, reployé ; elle serre la main, m’entendez-vous ?... C’est ma femme, apparemment, puisque je lui ai donné mon anneau... Elle ne veut plus le rendre.
La Vénus d’Ille, Prosper Mérimée
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